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Mathias Enard in Le Monde

Next fall we’ll be bringing out Zone, a 517-page, one-sentence book by Matias Enard that was all the rage in France last fall and, at least from the sample I’ve read, is utterly amazing. (Here’s a Chicago Tribune article about the book, and here’s a thoughtful review that ran at Quarterly Conversation.)

We’ll have lots more info on Zone in the near future, but for now, here’s a new story (I think—my French is not so good) from Enard in Le Monde:

Cette histoire vient du djebel El-Arab, la montagne volcanique et noire qui s‘étend, au sud de la Syrie, entre les villes de Shahba et Salkhad. Massif mystérieux et sauvage, parsemé de vestiges antiques et peuplé de Druzes dont on a pu dire, autrefois, qu’ils étaient tout aussi mystérieux et sauvages que leurs collines pierreuses. En hiver, la neige y est fréquente, et les villages du centre de la région peuvent être isolés plusieurs jours de suite. L‘électricité y est rare et le téléphone le plus souvent absent. Cet après-midi-là, aux environs de 17 heures, lorsque l’ingénieur Mohsen monte dans son pick-up Toyota pour regagner la ville, il fait déjà nuit noire. Les congères dessinent des coulées blanches contre les maisons basses et les murets ; l’horizon de basalte rend l’obscurité encore plus opaque. Les vergers de pommiers sans feuilles s’animent comme des champs de pendus dans la lumière des phares.

L’ingénieur Mohsen a pour compagnie un thermos de thé, une cassette du chanteur Amr Diab dans son autoradio et les cris aigus des chacals. L’ingénieur Mohsen n’a pas peur. L’ingénieur Mohsen connaît bien ces contrées, il y vient régulièrement pour surveiller ou réparer le petit transformateur capricieux qui alimente la région en courant électrique. Il connaît le parfum craquant de la neige auquel se mêle l’odeur du mazout répandue par les cheminées d’aluminium et le silence, l’immense silence de ces parages sans voitures que les plaintes continues des chacals ne parviennent qu‘à amplifier. L’ingénieur Mohsen sait qu’il va mettre près d’une heure pour parcourir les quarante kilomètres qui le séparent de la ville, au gré de routes étroites et mal déneigées où l’asphalte est inhabituel. L’ingénieur Mohsen sait qu’il ne croisera pas un véhicule, à part peut-être une moto ou un triporteur cahotant conduit par un moustachu emmitouflé dans un keffieh rouge. L’ingénieur Mohsen prend son temps. Il attend patiemment que le moteur (et l’habitacle par la même occasion) chauffe en buvant un verre de thé. Un vent glacé s’est levé. Il fera meilleur en bas. L’ingénieur Mohsen enclenche la première et commence sa descente.

Click here for the whole thing.

(Thanks to Jose Afonso Furtado for bringing this to our attention.)



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